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VU À L'ÉTRANGER Fort Collins, le bunker américain des ressources génétiques

Le gouvernement américain est en train de constituer une immense banque de gènes dans son centre de préservation des ressources génétiques de Fort Collins.

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«Tout a commencé en 1898 lorsque la Russie a offert au gouvernement américain des semences de variétés de chou de Sibérie, explique David Dierig, directeur du NCGRP (1) de Fort Collins. A l'époque, nous commencions à tester des variétés d'un peu partout et c'est ainsi qu'ont officiellement démarré les premières collections de variétés. En 1958, elles ont été regroupées en un seul lieu, ici dans le Colorado. » Aujourd'hui, au beau milieu de la petite ville de Fort Collins, à 110 km au nord de Denver, au pied des célèbres Rocheuses américaines, le NCGRP conserve précieusement dans une véritable chambre forte, quelque 750 000 échantillons de variétés de maïs, blé, riz, tomate… Au total, près de 7 000 espèces végétales cultivées, auxquelles s'ajoutent près de 600 000 échantillons de spermes, embryons ou sang d'animaux d'élevage.

1992, l'année « magique »

De l'extérieur, la construction ressemble à tous les bâtiments universitaires américains. Il faut cependant montrer patte blanche avant d'y entrer. Une partie des locaux est consacrée aux bureaux et aux labos. Mais lorsque vous passez le sas qui vous conduit dans le Saint des Saints du bâtiment, vous avez l'impression d'entrer dans un véritable bunker : des murs et des portes d'une épaisseur impressionnante, une construction sur 450 m2 qui résiste au feu, aux tornades, à un objet de 1 000 t projeté à 200 km/h, des salles sur quatre étages, en surélévation, pour échapper au risque d'inondation, un air filtré et des groupes électrogènes pour parer à toute coupure d'électricité.

« La collecte des ressources génétiques a été renforcée à partir de 1992, l'année "magique" du lancement commercial des OGM, celle où des sociétés privées ont commencé à protéger des gènes par des brevets, note David Ellis, directeur du pôle ressources génétiques végétales. C'est cette année-là que la chambre forte a été construite.»

Un accès gratuit

La majeure partie des variétés est conservée sous forme de semences à - 18 °C dans des sachets d'environ 3 000 graines. « Nous gardons aussi 8 % de nos variétés sous forme de grains de pollen, bourgeons ou méristèmes dans de l'azote liquide à - 196 °C, précise le chercheur. Nous pouvons même techniquement conserver les gènes isolés sous forme de fragments d'ADN mais cela ne fait pas partie, à ce jour, de nos objectifs. » « La banque de gènes animale a démarré beaucoup plus tard en 1999, indique Harvey Blackburn, directeur du pôle ressources génétiques animales. Nous nous intéressons surtout aux animaux d'élevage, les bovins, porcins, volailles… jusqu'aux truites et poissons-chats, au total 18 espèces et 138 races différentes. »

Le centre de Fort Collins envoie gratuitement des semences a toute personne qui le souhaite. Environ un tiers de sa collection fait l'objet chaque année de demandes. Il accueille aussi régulièrement des scientifiques et des selectionneurs du monde entier. Par sécurite, un double de chaque variété se trouve dans d'autres centres américains. Le NCGRP assure également des "back-up" ou "dédoublement" des collections internationales comme celles du Cimmyt, au Mexique, ou de l'Irri aux Philippines... Il est en train d'expédier de la même façon, une partie de ses échantillons dans la nouvelle banque de gènes de Svalbard (Spitzberg) en Norvege.

Blandine Cailliez

(1) National Center for Genetic Resources Préservation (NCGRP).

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